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Des nouvelles pour les Palmes

par CÉLIE Frédéric

Les élèves de 5e A ont sélectionné des nouvelles réalisées par deux élèves de la classe, dans le cadre du concours « Palmes académiques ».

La nouvelle d’Anh-Xuan

NOM : Rieber
PRENOM : Anh-Xuan
CLASSE : 5°A
NOM DE L’ETABLISSEMENT : Lycée Français Alexandre Yersin de Hanoi
ADRESSE : Lycée Français Alexandre Yersin,
12, Nui Truc, Ba Dinh, Hanoi (Vietnam)
NOM DU PROFESSEUR : M. Célie

Sujet : Raconter l’histoire d’un(e) adolescent(e) qui, durant la famine de 1945, au Vietnam, entreprend un voyage pour trouver de quoi vivre.

Nouvelle

Prologue :

La souffrance. C’est la seule émotion que mon cœur meurtri est capable d’éprouver. Et du désespoir aussi. Souffrance et désespoir. Avoir parcouru tant de chemins, traversé tant d’obstacles, m’être accrochée à tant d’espoirs, pour finalement être ainsi agenouillée, brisée, devant le corps de celle pour qui j’avais tout accepté.

Je n’arrive plus à réfléchir, je n’arrive plus à comprendre ce qu’on me dit. Je n’arrive plus à vivre. Je n’en peux plus. Je n’en peux plus de tous ces mensonges qu’on me déverse. Qu’on me dise que tout va bien. Qu’on me mente. Car rien ne va. Je n’arrive plus à pleurer, tant mon corps est vide de son eau. Alors je hurle. Je hurle pour faire sortir le désespoir qui me ronge de l’intérieur. Mais ma voix, brisée, ne parvient qu’à pousser un gémissement pathétique. Alors je m’appuie contre le mur, et, pour répondre à toutes mes questions et pour oublier le présent, je plonge dans le passé.

Chapitre 1

Un dernier regard. C’est tout ce que j’ai accordé à la maison où j’ai grandi. Où j’ai vu ma famille entière subir la famine. Jusqu’à ce que mes parents cessent de lutter, pour nous offrir une chance, à ma sœur et à moi. Une chance de survivre. Ne pas y penser. Se tourner vers l’avenir. Prendre les responsabilités que mes parents ont estimé que je pouvais prendre, à 15 ans. Mais ce n’était pas moi que je voulais sauver de la famine. C’était ma sœur, qui n’avait que neuf ans, mais à qui la vie avait déjà arraché les joies et l’insouciance de l’enfance. Alors, tout doucement, j’ai fermé la porte de la maison, comme on ferme la porte de ses souvenirs, et je me suis tournée vers un avenir qui s’annonçait difficile.

Chapitre 2

« -On va marcher encore longtemps ? »

Je n’ai pas répondu. Je ne possédais pas de réponse. Cela faisait plus de 5 heures que nous marchions, sous un soleil accablant, dans une forêt dense dans laquelle seules des personnes aussi désespérées que nous pouvaient s’aventurer. Le paysage, quant à lui, n’offrait aucune distraction : des arbres aux troncs noueux qui semblaient être aussi vieux que le monde, et dont les larges feuilles plates bouchaient la vue, quelques buissons épineux, et ; partout, de la terre sèche, qui se soulevait en petits nuages à chacun de nos pas.

« -On fait une pause, dis-je d’une voix forte. »

A peine les mots sortirent-ils de ma bouche que ma sœur s’écroulait au pied d’un arbre, où je ne tardais pas à la rejoindre. Tandis qu’elle se reposait, je tentais de me souvenir de mon village, comme pour graver son image dans ma mémoire. Semblable à tous les villages montagnards, il était organisé autour d’une place centrale, où se réunissaient les différentes familles du village pour le repas. Au centre se dressait un puits, seul construction en pierre du village. Les maisons en bois étaient construites sur pilotis, et composées d’une unique pièce où dormaient ses habitants. Leur toit, en chaume, était supporté par des piliers imposants. Chaque famille possédait une parcelle de terre derrière son habitat, où poussait autrefois des légumes. Mais c’était avant la sécheresse.

Désormais, les rues poussiéreuses étaient désertes, plus aucun rire ne retentissait. Depuis peu, on avait construit une sorte de cabane sommaire, un peu à l’écart, qui accueillait les victimes de la famine. Au bord de la route qui menait au village se trouvaient plusieurs fosses communes, sinistres. Celui-ci, qui abritait autrefois une quarantaine d’habitants, n’en comptait plus qu’une quinzaine, dont la moitié était alitée, et l’autre occupée à trouver un peu de nourriture.

Aussitôt après que cette pensée me soit venue à l’esprit, je fermais les yeux. Ne pas y penser. Cette vie était derrière nous, désormais. Ce qu’il fallait, c’est que nous n’oublions pas notre but : atteindre l’Ile du Dragon, qui se situait au beau milieu de la Baie d’Halong, et où se trouvait un important marché du travail, pour ne pas dire d’esclaves, où ma sœur et moi pourrions trouver une place qui nous offrirait au moins un peu de nourriture et un toit jusqu’à ce que je trouve une meilleure solution. Le périple, qui nécessitait d’aller du Sud, où se situait mon ancien village, au Nord, où se trouvait la Baie d’Halong ; s’avérait difficile.

Chapitre 3 :

Nous marchions. Encore. Le paysage, toujours aussi morne, ne semblait pas vouloir changer. Ma sœur marchait à l’avant, tandis que je trainais des pieds. Ceux-ci me semblaient avoir étaient remplis avec du plomb, tant j’avais peine à avancer. Des gouttes de sueur perlaient sur mon front. Tout était affreusement tranquille. Pas un bruit, pas un murmure, pas un animal qui ne se décide à se manifester et, seul mes pas et ceux de ma sœur troublaient le silence presque religieux. Cela me gênait. Nous étions en pleine nature, la forêt aurait du grouiller de vie mais, curieusement, le silence régnait. Je me rappelai alors de ceux que disait souvent mon père, lorsque je l’accompagnais aux champs, et que nous écoutions les cris incessants des animaux. Tandis que nous riions tant leurs plaintes étaient ridicules, il trouvait toujours un moment pour murmurer : « Si tu entends les animaux grouiller, alors c’est bon signe, ça veut dire que l’endroit grouille de vie. Mais, si ils se taisent, cela veut dire qu’ils ont perçut un danger que toi-même tu n’as pas perçut. Dans ce cas, mieux vaut déguerpir. »

Un danger. Je le perçus enfin. J’ouvris la bouche pour mettre ma sœur en garde, horrifiée. Trop tard. Une explosion retentit, provenant d’une mine-antipersonnel.

Chapitre 4 :

Un mal et de cœur, et un étrange balancement. Est-ce ça la mort ? Cela m’aurait étonnée. Je ne me souvenais pas avoir étais blessée. Non. Pas moi…Ma sœur. Enfin, j’ouvris les yeux, et ce que je vis m’étonna. J’étais étendue sur une charrette en bois rudimentaire tirée par des bœufs. Un homme de dos la conduisait. Autour de moi s’étendaient, à perte de vue, d’immenses montagnes, habillées ça et là de touches de végétation. Je me redressai pour en savoir plus. Devant moi, un chemin rocailleux qu’empruntaient une vingtaine de charrettes semblables à celle sur laquelle je me trouvais. Elles étaient décorées de peintures colorées, de joyeux dessins et d’affiches. Une troupe de théâtre. Mais qu’est-ce que je faisais ici ?

« -Où est ma sœur ? » demandais-je d’une voix rauque.

L’homme qui conduisait la charrette se retourna, et je pus enfin voir son visage. Il avait un visage au teint basané, marqué par quelques rides au creux de l’oeil qui laissaient à penser qu’il devait sourire beaucoup, deux grands yeux d’un noir profond. Ses cheveux étaient courts et drus. Tout en lui respirait la joie de vivre, mais pour l’heure, il arborait un air désolé qui me faisait pressentir que la réponse à ma question ne serait pas une bonne nouvelle.

« -Alors ? Le pressais-je. Elle est morte ?

J’avais dit ces mots avec une tristesse infinie, et j’espérais que la réponse serait négative.

  • Seulement à moitié, répondit l’homme. Elle ni morte ni vraiment en vie, mais ça m’étonnerais qu’elle tienne le coup si on ne trouve pas quelqu’un pour la soigner rapidement. Et comme on est dans les montagnes au milieu de nulle part, je ne donnerais pas cher de sa peau.
  • Mais on était près de Kon Tum quand on s’est fait attaquer. Pourquoi vous n’y êtes pas aller ?
  • On n’y était, et on a même fait toutes les villes aux alentours. La plupart sont désertes, ou presque. Les gens meurent de faim, et quiconque possède les moindres connaissances médicales est réquisitionné dans les grandes villes.
  • Je veux voir ma sœur, dis-je d’une voix déterminée.
  • Tu ne peux pas. Elle est dans un autre chariot.
  • Comment vous nous avez trouvées ?
  • On traversait la forêt pour nous rendre dans un village, répondit-il évasivement. Mais dors. »

N’ayant rien d’autre à faire et n’ayant pas la force de protester, je lui obéis.

Chapitre 5 :

Le soleil était en train de se coucher. Le convoi de chariots s’était arrêté sur une plateforme qui surplombait une vallée. J’avais l’impression que nous n’avions pas avançait depuis la dernière fois que je m’étais réveillée. Les charrettes étaient disposées en cercle autour d’un grand feu, lui-même entouré de quelques bancs en bois. Plusieurs personnes s’affairaient à préparer un repas.

« - Alors, bien dormi ? Me demanda l’homme qui avait répondu à mes questions lorsque nous avancions.

  • Ca pourrait allait mieux. Je veux voir ma sœur.
  • Tu es têtue, pour ton âge, soupira-t-il. Tu ne peux pas la voir. La chef pense qu’il ne faut pas qu’elle soit dérangée. Allez, viens plutôt manger. »

Il me saisit le bras sans plus me demander mon avis, et m’entraîna vers les bancs. Finalement, contrairement à ce que je pensais, je passais une agréable soirée, pendant laquelle je réussis presque à oublier la blessure de ma soeur. L’atmosphère était conviviale et chaleureuse, et je m’intégrais facilement aux conversations. C’est ici que je fis la connaissance de Hanh, la chef dont m’avait parlé le conducteur du chariot. Le lendemain, nous reprîmes la route. Au fur et à mesure que nous avancions, nous croisions des petits villages qui me rappelaient celui d’où j’étais partie. Eux aussi avaient étaient dévastés par la famine, et semblaient déserts. Les maisons avaient étaient abandonnées aux pillards.

Nulle part nous ne trouvions de docteur. Alors nous continuions à avancer. Je me raccrochais à l’espoir que si nous parvenions à Da Nang, la première grande ville sur notre route, nous trouverions peut-être des médecins. D’après Hanh, des renforts avait étaient envoyés là-bas, tant le nombre de malades qui affluaient était important. Enfin, après une semaine de route, nous parvînmes enfin aux abords de Da Nang. Quelques jours plus tôt, Hanh m’avait appris que ma soeur était sur le point de mourir. Je me souvenais juste être sortie en courant du camps, et avoir hurlé de rage comme une folle, jusqu’à ne plus avoir de voix. Mais, lorsque j’aperçus les premiers pâtés de maisons, je repris espoir. Peut-être arrivions-nous à temps.

Chapitre 6 :

Je courais comme une dératée. Derrière moi, deux hommes de la caravane portaient le brancard où reposait ma soeur. L’hôpital fermait à 6 heures. Il était 5h50. Enfin nous arrivâmes. Un homme en blouse blanche, lorsqu’il vit nos visages paniqués, se précipita vers ma soeur, et souleva le drap qui la recouvrait. Enfin je la vis. Elle était livide. Là où aurait dût se trouvait sa jambe, il n’y avait qu’un moignon sanglant. La mine anti-personnel à l’origine de tout ce drame lui avait complètement arrachée la jambe. Elle était livide, mais son visage était serein. Je compris à l’instant même où je remarquai son visage étonnamment inexpressif. Comme pour confirmer qu’il n’y avait plus d’espoir, l’homme en blouse blanche murmura :

« - Elle est morte. »

Épilogue :

Et voilà comment s’est fini mon voyage. Aussi simplement que ça. On m’a juste demandé le nom de ma soeur, et son âge. Elle s’appelait Sao. Elle avait neuf ans. C’était trop jeune pour mourir. Ensuite on m’a posé les mêmes questions. Je m’appelle Linh. J’ai 15 ans. C’est trop jeune pour connaître la mort.

Fin

La nouvelle de Nhat Thanh

NGUYEN PHAN NHAT THANH
5e A Lycée Français Alexandre Yersin – Hanoi
12 Nui Truc, Giang Vo, Hanoi, Vietnam
Professeur : M. F Célie

Sujet : « En 1945, quand une des plus grandes famines dans l’histoire, fit rage au nord du Vietnam. un garçon et sa mère partirent pour la capitale, Hanoï, à la recherche d’aide »

RÉDACTION

Dans les souvenirs de mon enfance, les matinées me rappellent l’odeur de la fumée. La fumée qui sortait de la cuisine. La fumée de la paille et du bois brûlés. L’odeur de la fumée me ramène à autre fois. L’odeur qui est pour moi très agréable aimante. L’odeur de maman.

On habitait dans un petit village. Il n’y avait pas plus que soixante villageois. La cabane sur la montagne où l’on vivait, était la chose la plus précieuse que l’on a jamais possédée.

Comme nourriture, on mangeait souvent des légumes, du manioc, et rarement du riz. De la viande, c’était quelque chose de “luxe”.

Maman était très maigre. Elle travaillait beaucoup et mangeait très peu. Je me souviens qu’elle était souvent triste. Et sa tristesse, j’ai pu le voir dans ses yeux. Mais de toute façon, je n’étais qu’un petit garçon. Cela ne me faisait pas trop penser.

Sans amis du même âge, je passais la plupart du temps tout seul. Je m’intéressais beaucoup aux insectes, aux papillons violets et aux bestioles vertes, même si je ne savais pas exactement ce qu’ils étaient. Ces créatures, c’étaient mes plus proches amis. Je les observais très attentivement. Chaque jour, je les voyait faire leur montage de pièges, pour capturer des proies. C’était amusant pour moi.

J’avais maman, j’avais les insectes, j’avais le paysage paisible des champs et des bois derrière la montagne. C’était assez pour moi.

J’aimais beaucoup quand maman se mettait à côté de moi sur le tapis, elle me tenait dans ses bras et elle me racontait des histoires avant que je dorme. C’était dans ses cheveux, que je sentais l’odeur familière de la paille et du bois qui brûlaient, l’odeur de la cuisine. C’était inoubliable.

C’était ma vie, c’était simple. La “modernité” et le monde, dans ma petite imagination, c’était seulement les histoires que maman me racontait. Les histoires de l’oncle Don, qui vivait quelque part loin d’ici, très, très loin. Dans une ville appelée “Hanoi”. Elle me racontait aussi des histoires de “L’Opéra” de Hanoi, c’était là que mon oncle habitait. C’était quoi “L’Opéra de Hanoi”… je n’en avais aucune idée. Mais il semblait assez drôle.

Mais alors, ce matin là arriva. Le matin qui changea ma vie, pour toujours.

Je me suis réveillé, voyant maman entrain d’emballer nos affaires, je fus à la fois surpris et confus. Je me demandais pourquoi elle faisait cela. Mais ce qui me fit songer le plus, c’était ce que je voyais, une fois de plus, la tristesse dans ses yeux. Elle m’expliqua brièvement qu’on avait épuisé la nourriture, et que maintenant on devait partir pour Hanoi, à la recherche de l’oncle Don.

Après avoir entendu tout cela, j’étais en effet triste de quitter mon village, mais aussi excité et curieux du voyage. J’étais petit, et je ne savais que suivre ce que maman disait. Si elle disait on mange, alors on mangeait. Là elle me dit de partir, alors on partit.

Donc le voyage pour Hanoi, la ville très très loin commença.

On marchait, elle portait le sac sur le dos, et on marchait. Je n’étais jamais sorti de mon village, sauf lorsque je me baladais dans les villages voisins.

Au début, je m’amusais. Il n’y avait rien d’étrange. Mais après cinq jours, je commençai à remarquer les “grands cubes de briques”. Maman me dit que c’était des maisons, et que si un jour on avait assez d’argent on pourrait aussi y habiter. Cela, pour moi, c’était nouveau. Je n’avais jamais entendu parler, ni vu des maisons de briques. Parfois, on dormait sur le porche de ces maisons. Je ne savais pas de quoi le sol du porche était fabriqué, mais c’était pour moi très agréable de dormir sur quelque chose de si lisse !

Le temps passa, et après des semaines sur la route, je me suis rendu compte que le monde hors de mon village était très différent. J’ai commencé à remarquer les cadavres, et cette scène pour moi, était horrible. On voyait de plus en plus de cadavres. Je ne pouvais pas supporter l’odeur. Maintenant, mon voyage était devenu un vrai cauchemar. On fut même approché par un tigre. Aucun mot ne peut décrire le moment où il sortit d’un buisson, et marcha lentement devant nous, avec ses yeux menaçants et commença à dévorer le cadavre d’une femme. Ce jour-là, nous avons été bénis.

Il ne ressemblait pas du tout ce voyage, à ce que j’attendais. Je pensais que je rencontrerais des amis, que je m’amuserais avec maman, que je profiterais de ce voyage pour découvrir le monde, le monde hors de mon village. Mais au contraire, tout ce qui nous m’entourait, c’était des cadavres et des bêtes sauvages. Et ce paysage sanglant était pire que celui qu’un enfant comme moi pourrait jamais imaginer, même dans mes rêves les plus fous.

Nous avions terminé notre réserve de nourriture. Pendant des semaines, notre seule source d’alimentation fut le manioc que maman trouvait.

On mourait de faim et j’avais si soif que ma gorge brûlait de l’intérieure. Un jour, juste avant la nuit, nous trouvâmes un nid d’abeilles dans la forêt. Et c’était, vraiment, le meilleur sentiment au monde. J’étais si heureux je ne pouvais pas parler. Et le miel, même jusqu’à maintenant reste pour moi un miracle.

Le voyage m’a beaucoup appris, et je devins plus fort. Physiquement mais surtout mentalement. J’ai dû accepter le fait que le monde est sauvage, et que ce sera une vrai lutte, une lutte pour survivre.

Et après tout cela, un matin , je vis un beau sourire sur le visage de maman : Hanoi.
Je pensai, qu’on traversait enfin notre ligne d’arrivée, et que maintenant, ça serait juste une petite promenade pour se rendre chez mon oncle.

La première chose qui frappa mes yeux, était cette construction gigantesque de métal. Composée de nombreuses grosses barres diagonales, elle me semblait très drôle. Ce bloc énorme de métal traversait une rivière. « Comment l’homme a pu construire une telle chose ». J’entendis quelqu’un dire « pont Long Biên ». Pour suivre la foule, je traversais lentement le pont. Je ne pouvais détacher mes yeux de la rivière en dessous, pourquoi l’eau était-elle de cette couleur, pourquoi était-elle si rouge ? L’eau des rivières mon village n’avait jamais cette couleur. Mon village tranquille où on trouvait des champs et des bois, des étangs aux eaux limpides, un paysage calme et paisible. Et ma petite cabane où maman et moi, vivions ensemble.

Et là, quand je pensais de maman. Je me suis rendu compte que…je me trouvais tout seul. Maman n’était plus là. Elle ne me tenait plus la main. Moi, sur ce pont… tout seul.

La peur de ma vie me frappa. La panique me dominait. Pour la première fois, maman n’était plus avec moi. J’ai crié désespérément, j’ai essayé de regarder autour de moi. Mais avec ma taille, je ne pouvais rien voir ni me faire voir.

Les gens se précipitaient en poussant sans cesse. « Maman, où es-tu ? Où dois-je aller ? Que dois-je faire ? J’ai besoin de ma mère ». C’étaient les pensées que j’avais en tête. Les gens commencèrent à me pousser et en quelque sorte ils arrivèrent involontairement à me traîner avec eux. J’étais terrifié, mais personne ne se souciait ou ne faisait attention à ma peur. J’ai été poussé et traîné. J’étais tellement épuisé que mes pieds ne voulaient plus me porter. Si seulement j’avais pu m’asseoir pendant un moment pour respirer, mais je savais, que si jamais je tombais par terre, les gens me piétineraient.

Dans le chaos complet, je me suis retrouvé à la fin du pont.

Je pleurais, je criais. Et voilà, c’était terminé pour moi. J’avais perdu ma mère. Et dans cette douleur de désespoir que je ne pouvais pas exprimer en mots, je voulais juste fermer les yeux, tomber dans le sommeil, dormir et ne plus jamais se réveiller. Je ne pouvais pas imaginer pourquoi le monde était tellement injuste. Pourquoi, après ce voyage de milliards de pas, mon destin me séparait de ma mère, la seule personne, au monde entier qui m’aimait. Quand tout espoir était perdu, j’entendis un cri :

« Don, Don oi ! »
Je fus choqué par le nom.
Don, c’était le mon oncle ! Je me souvins de mon oncle, du but de mon voyage. Arriver là à Hanoi, c’était pour trouver mon oncle. Je me souvins des histoires que maman me racontait. Les histoires de l’oncle Don qui habitait au « Grand Opéra ». Avec tout mon courage, je décidai donc de partir à la recherche de la maison de mon oncle…

Après le coucher du soleil, après avoir demandé à des tas de gens, après une distance qui me semblait infinie. Je l’ai enfin trouvé. L’Opéra de Hanoi. J’étais épuisé. Comme par instinct, j’allai chercher un endroit pour me reposer et passer la nuit. Je vis beaucoup de gens qui dormaient sur le grand perron devant l’immense bâtiment. J’ai trouvé moi-même un petit coin, entre une dame et le mur.

Comme je m’installais, j’ai entendu des pleurs. La dame, à côté de moi, pleurait. Et il semblait que sa tristesse venait de son coeur. J’essayai de me pencher et de regarder son visage. Mais dans l’obscurité et je ne pouvais rien voir.

J’étais triste pour elle et je pensais à maman. Je souhaitais juste que Dieu m’aide à trouver mon oncle afin que je puisse avoir une chance de retrouver ma mère.
J’étais sur le point de m’endormir, quand l’odeur, l’odeur revint. L’odeur de la fumée, de la paille et du bois brûlés. L’odeur de ma maison, de ma cuisine, l’odeur qui remplissait l’air chaque matin. L’odeur qui me ramène à mon petit village
L’odeur de maman ...

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